La vie est belle à Saigon - 2 ans 1/2 aujourd'hui
"Personne ne doit avoir peur de l'inconnu, parce que tout homme est capable de conquérir ce qu'il veut et qui lui est nécessaire" Paulo Coelho, l'Alchimiste ***
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Française, 28 ans, expatriée, vivant à Ho Chi Minh Ville. J'avoue ne pas me rendre bien compte de ce que j'ai devant les yeux. C'est vrai que la Baie d'Halong*, paisible et calme, est une des plus belles choses que j'ai pu voir de toute ma vie. Mais, selon moi, ça ne représente pas réellement ni le VN, ni la culture vietnamienne.
J'ai su peu après mon arrivée que mon souvenir du VN ne serait pas semblable à une belle carte postale, mais plutôt à des émotions nouvelles, fortes et parfois douloureuses. J'ai plus appris sur moi en 2 ans 1/2 que durant les 26 premières années de ma vie.
Je sais que ma vie a changé, que j’ai changée. D’une part car en général on ne ressort pas tout à fait soi-même d’une expérience et encore moins d’un séjour prolongé dans un pays étranger. D’autre part, parce qu’ici se sont exacerbées mes faiblesses et mes peurs. Beaucoup de choses que j’ignorais ou que je faisais semblant de ne pas voir: un manque de confiance, une peur de ne pas être à la hauteur, une course à la perfection, des sentiments sans doute inculqués par l'instruction que j'ai reçue en France. Et tous ces aspects ont surgit, depuis 2 ans ½, et comme une passoire, j’essaie tant bien que mal de les empêcher de sortir.
Depuis mon arrivée ici, je voudrais faire mes valises et repartir à chaque difficulté.
Je suis passée par de drôles de phases, ces moments ou personne ne nous comprends... et j'ai souvent été tentée de reculer et de rentrer chez moi. Mais plus le temps passe, plus je m'éloigne de là d'ou je viens, et plus j'ai peur d'y retourner.
D'un autre coté, la possibilité de rentrer me conforte sûrement. Savoir que j’ai une porte de sortie, que je pourrais retrouver ma vie d’avant, un petit coin tranquille et confortable que je connais bien. Mais je n’ai jamais franchit le pas malgré tout. Est-ce parce qu’au fond de moi je sais que je suis comme ça et que je serai la même ailleurs? Et si je rentrais et que je retrouvais ces mêmes sentiments chez moi, je n’aurais plus d'échappatoire. Il n’y aurait plus de plan B... je devrais affronter en face mes faiblesses et qui je suis réellement. Mais j'ai peur surtout de ne pas reconnaitre ce petit coin tranquille et confortable.
Je ne sais toujours pas pourquoi je reste. Je n’arrive pas à comprendre. Mais je suis toujours là. Essayant plus de saisir l'instant ou il faudra partir que d'améliorer ma vie ici et d'en profiter.
J'ai compris que se retrouver face à soi-même et apprendre à se connaitre, c'est passer par de grands moments de solitude. Je pense qu’en 2 ans ici, j’ai obtenu les mêmes résultats que si j'avais fait 10 ans de psychanalyse en France.
Ce que j’ai appris : prendre du recul sur ma vie, mon éducation, mes qualités et mes défauts ; car c'est bien vrai, tout est relatif! Me connaître un peu mieux et avoir une ouverture sur les autres que je n’aurais surement pas eue en restant en France. Prendre un recul suffisant pour me retrouver telle que je suis, face à moi-même; un recul imposé par la distance et une culture complètement inconnue.
Mon expatriation s'avère un acte très égoïste. C'est en fait moi que je suis venue trouver ici.
Ce qui a motivé mon expatriation ?
Je ne sais pas si je m’en souviens. Le souvenir que j’ai c’est un projet commun avec mon copain. Une passion pour l’Asie. Plus la sienne que la mienne. Une possibilité de stage de fin d’études à Saigon pour lui et un boulot qui ne me retenait pas en France. Pas d’enfants, pas d’attachements matériels, rien de spécial à perdre… Le tout cumulé avec une envie de quitter la France, les gens froids et snobs… et d'aller voir si l'herbe est vraiment plus verte chez le voisin.
Mais surtout, je croyais au bouddhisme, comme on le connaît chez nous. Je croyais à des gens simples, qui accordent plus d’importance à l’être humain qu’aux valeurs matérielles, qui ne jugent pas, qui acceptent les différences et accueillent les novices en quête de connaissance, de sagesse… OOOooommmm…
Si vous connaissez le Vietnam, et en particulier Saigon, vous comprendrez ma déception.
Un ami m'a dit un jour « On croit qu'en Asie, on va apprendre le Zen, la patience et la philosophie bouddhiste tranquillement installé en lotus à boire du thé. En fait, la réalité est bien différente. Au Vietnam, j'ai effectivement appris la patience, la maîtrise de moi et de mes émotions, mais d'une manière plus brutale que prévue.» On ne retrouve dans cette expérience ni le goût ni l'odeur du thé au jasmin...
J’ai eu une réaction de rejet assez violente dès mon arrivée. Rien ne m’a plu, rien n’était comme je le voulais.
Je trouve que Saigon n’est pas vraiment une belle ville : pas de beaux monuments, pas de belles places, pas de beaux espaces verts comme je l'imaginais. Et les gens sont si différents, leur vie est si différente. Ils nous dévisagent, nous fixent sans même esquisser un sourire. Ils rigolent parfois sans qu’on sache pourquoi. Et on apprend vite que le rire non plus n'a pas la même signification partout.
Les gens qu’on rencontre dans les quartiers routards ne cherchent qu’à nous arnaquer, nous faire payer 3 fois le vrai prix. Et encore, je vous passe tous les aspects sordides du tourisme sexuel, car n’étant pas un homme je ne l’ai pas vécu personnellement. (post du 31 mars)
Niveau communication. Je voulais apprendre le vietnamien et j'avais déjà commencé avant mon départ. Mais après quelques tentatives sur place, je peux vous dire que beaucoup d’entre nous en sont revenus. C'est comme si les Vietnamiens cherchaient à garder leur langue pour eux tout seuls.... c'est très difficile de se faire comprendre et ça commence dans le taxi dès la sortie de l'aéroport. Certains diront "Vous avez encore la chance qu'ils aient un alphabet latin... au moins vous pouvez l'écrire!", Ahhh, vous croyez ça!?
Niveau "vie de tous les jours à Saigon", qu'est-ce-que je peux vous raconter? la conduite et le code de la route ? Tout le monde s’ignore et va dans son coin… La vie en société ? il n’existe que la famille… Ici tout se négocie, tout se vend, tout s’achète, tout doit avoir un intérêt…
Alors pourquoi le titre "La vie est belle" ?
Et bien parce que malgré tout il y a de bons cotés. J’ai rencontré ici beaucoup de nouvelles personnes qui ont pris beaucoup d’importance dans ma vie (elles se reconnaîtront peut-être), j'ai aussi pris conscience des gens qui m'étaient chers (c'est toutes les personnes avec qui j'ai gardé ou repris contact depuis 2 ans), tout en apprenant à me connaître.
Je vis ici quelque chose d'unique que je ne voudrais pas échanger.
Je sais que je suis Française et je sais plus qu'avant ce que ça signifie, et je me sens avant tout Européenne. Je sais que la carte du monde n'est pas forcément centrée sur l'Europe. J'ai pris conscience qu'être blanc aux yeux bleus c'est assez rare à l'échelle de la planète et que j'appartiens en fait à une petite minorité. Je sais que je ne suis pas une vraie bouddhiste et que j'ai reçu une éducation plus catholique que je ne le pensais. J'essaye d'apprendre à accepter les différences des autres, car certains s'efforcent de tolérer les miennes alors que je ne suis pas chez moi...
Voici ce que Confucius en dit "Le plus grand voyageur est celui qui a su faire une fois le tour de lui-même."
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Je pense qu'en quittant le VN, je n'aurais pas de nostalgie de mon séjour ici et ça me rend triste. Je garderai un fort sentiment de déception, car je n'aurais pas trouvé ici ce que je cherchais dans l'expatriation. Je n’aurais pas de nostalgie en partant parce que je n’aurais pas vécu à la vietnamienne comme je le souhaitais, la vraie vie comme je l'imaginais avec des Vietnamiens, ni parlé leur langue. Et c’était un de mes projets.
Par contre, je suis aussi persuadée que j'ai trouvé bien plus! Je ne sais pas dire exactement ce que c'est et ce que ça a changé dans ma vie. Je sais que je serai reconnaissante envers ce pays et ses habitants de m'avoir accueillie et de m'avoir permis de me trouver. Moi, petite occidentale parmi 85 millions de Vietnamiens...
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Et parce qu'ils l'ont déjà mieux dit avant moi, petit recueil de citations : voyage voyage, posté le 03 mai.
* Baie d'Halong: site classé au patrimoine mondial de l’humanité de l'UNESCO depuis 1994.
« Qui a l'habitude de voyager sait qu'il arrive toujours un moment où il faut partir.»
Paulo Coelho, l'Alchimiste